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Explication linéaire : Pour un oui ou pour un non (Sarraute), scène finale

Explication linéaire...

Ci dessous, tu trouveras une explication linéaire du texte en question. Il existe une vidéo (en cliquant ici ou en dessous) où ce même texte est également expliqué... avec en plus quelques outils de méthodes et de compréhension...

LE TEXTE

H. 2 : Mais non, pas fort du tout. Il faut bien voir ce qui est : nous sommes dans deux camps adverses. Deux soldats de deux camps ennemis qui s'affrontent.

H. 1 : Quels camps ? Ils ont un nom.

H. 2 : Ah, les noms, ça c'est pour toi. C'est toi, c'est vous qui mettez des noms sur tout. Vous qui placez entre guillemets... Moi je ne sais pas.

H. 1 : Eh bien, moi je sais. Tout le monde le sait. D'un côté, le camp où je suis, celui où les hommes luttent, où ils donnent toutes leurs forces... ils créent la vie autour d'eux... pas celle que tu contemples par la fenêtre, mais la "vraie", celle que tous vivent. Et d'autre part… eh bien...

H. 2 : Eh bien ?

H. 1 : Eh bien...

H. 2 : Eh bien ?

H. 1 : Non...

H. 2 : Si. Je vais le dire pour toi... Eh bien, de l'autre côté il y a les "ratés".

H. 1 : Je n'ai pas dit ça. D'ailleurs, tu travailles...

H. 2 : Oui, juste pour me permettre de vivoter. Je n'y consacre pas toutes mes forces.

H. 1 : Ah ! tu en gardes ?

H. 2 : Je te vois venir... Non, non, je n'en "garde" pas...

H. 1 : Si. Tu en gardes. Tu gardes des forces pour quoi ?

H. 2 : Qu'est-ce que ça peut bien te faire ? Pourquoi faut-il que tu viennes toujours chez moi inspecter, fouiller ?

INTRODUCTION

« Nous sommes dans deux camps adverses. Deux soldats de deux camps ennemis qui s'affrontent. » (Accroche)

C’est en ses termes que H2 évoque ce qu’est devenue sa relation avec H1, « un ami de toujours ». Comment comprendre une telle détérioration ? Comment comprendre, au-delà des mots, ce que se reprochent vraiment ces deux protagonistes-là ? C’est un fait, Nathalie Sarraute s’intéresse de très près au « sous-conversationnel » (qu’elle nomme « tropismes »), à ces mouvements imperceptibles de l’âme qui s’immiscent dans les dialogues. Publiée en 1982, Pour un oui ou pour un non s’inscrit dans la continuité des expérimentations littéraires du Nouveau Roman, mouvement littéraire auquel Sarraute est associée.  Pour un oui ou pour un non semble effectivement refléter un monde contemporain marqué par des questionnements sur la communication et l’authenticité des relations, à une époque où les années 1980 voient également un regain d’intérêt pour le théâtre de l’absurde. (Contextualisation)

Pour mettre en lumière chacun de ces points, nous articulerons ce texte en 2 axes. Le 1er axe, de la ligne 1 à 8, évoquera une fin en forme d’affrontement de personnes mais aussi d’idées. Le 2ème et dernier axe, lui, ira de la ligne 8 à la fin du texte pour évoquer deux personnes ancrées dans deux univers (apparemment) inconciliables. (Découpage en axes)

EXPLICATION LINÉAIRE

Dès les premières lignes, l’impression que j’ai est d’avoir affaire à un texte en forme d’affrontement… un affrontement qui relèverait aussi bien du combat de personnes mais aussi de la confrontation d’idées ! (Impression)

Sur quels critères objectifs puis-je affirmer cela ?

Je constate là effectivement tout une série de procédés mettant en évidence la rivalité… une rivalité qui, par ailleurs, prendrait presque des allures guerrières ! Je repère :

  • Énumération/anaphore insistant sur la dualité… pour ne pas dire la division (ex)

∟ on rappellera que des mots « deux », division » ou « diable » ont la même base étymologique !

  • Un champ lexical de la guerre (ex)

  • Une antithèse manifeste

  • entre les pronoms « toi/vous » et « moi, je ». (ex)

  • entre les locutions adverbiales « d’un côté » et « d’autre part » (ex) (Procédés/exemples)

On peut dès lors se demander où peut potentiellement nous amener cet affrontement. Pourquoi tant de haine sur une relation qui semblait à la base si sûre et si solide ?

H1, voudrait-il donc à ce point s’inscrire dans un registre épique pour mieux glorifier sa personne et ainsi mettre à distance ce que représente H2 ?

L’une des hypothèses que nous pouvons avancer est la suivante : en disant « Ils ont un nom. », H1 nous laisse supposer que leur affrontement n’est pas uniquement un affrontement de personnes mais aussi une confrontation d’idées. Lorsque H2 lui répond : « Ah, les noms, ça c'est pour toi. C'est toi, c'est vous qui mettez des noms sur tout. », il laisse supposer que H1 et lui-même, au-delà de leur caractère et de leur supposée nouvelle incompatibilité, incarnent des valeurs ou des idées qui dépassent leur simple petite personne. H1 pourrait ainsi allégoriser le bourgeois sûr de tout et qui étiquette tout, heureux de figer et de mettre les êtres et les choses dans des cases… là où H2, à l’inverse, serait « l’anti-conventionnel, », celui qui ne fige rien et qui préfère suspendre constamment son jugement… plutôt que d’obtenir au rabais une vérité fixe et gravée dans le marbre.

Cette supposition, si elle s’avérait juste, placerait ainsi la pièce dans une dimension sociale, avec une veine satirique, à la lisière du registre comique et du registre pathétique.

Dans le 2ème axe, il me semble que nos deux personnages sont de plus en plus ancrés dans deux mondes, deux univers… de plus en plus inconciliables, voire irréconciliables.

Sur quels critères objectifs puis-je affirmer cela ?

Si les quatre premiers échanges de cet axe sont de véritables stichomythies mettant en avant, de façon presque comique, le surplace de l’échange (ex)… il n’en reste pas moins que ce qui suit donne l’impression que H2 fait tout pour dire et faire l’exact opposé de son « ancien » ami.

Là où H1 se rangeait dans le clan de celles et ceux qui bougeaient, agissaient, avec moult formules hyperboliques (« où les hommes luttent, où ils donnent toutes leurs forces »), H2, lui, semble prendre un main plaisir à vouloir incarner/allégoriser tout l’inverse : « les ratés ».

Pour ce faire, il utilisera à l’inverse de H1, loin de ses hyperboles et de son registre épique, de nombreuses figures d’atténuations comme la litote (ex) ou l’euphémisme (« vivoter »).

Pourquoi une telle volonté de minimiser à ce point tout ce qu’il peut potentiellement incarner/représenter/allégoriser ?

Peut-être pour mieux justement se démarquer de son ancien ami et s’inscrire dans un registre pathétique en incarnant « les ratés » … et plus globalement celles et ceux qui ont raté leur vie… selon les critères bourgeois de cet ex ami.

Si cette rancœur ne se devine pas forcément de façon très explicite, elle peut malgré tout se traduire dans tous ces non-dits évoqués mais aussi dans tout ce qui a longtemps caractérisé le travail de Sarraute autour du langage et de ses limites.

Ses limites, nous les retrouvons autour de ce concept, cher à ses yeux, qu’est le tropisme. Nous entendons ici par « tropisme » ces « mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience ; ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver ». Il en résulte des paroles ou expressions parfois incompréhensibles…, comme ceux de H1 et H2, précisément parce que leurs mots sont le plus souvent incapables à fixer et expliquer ces élans inconscients qui les animent, sans véritable explication rationnelle.

 

Devant ce champ des possibles, au lecteur/spectateur de deviner, sur le plan de la mise en scène, ce qui serait le plus intéressant, par-delà ces mots ; à exploiter au niveau des registres.

 

S’agirait du registre comique en mettant en avant le comique de caractère et le choc antithétique des egos de chacun en jouant sur les contrastes et les oppositions (le « raté » hors des cadres, hypersensible et écorché vif… face au bourgeois rigide étiquetant et figeant absolument tout) ?

 

S’agirait-il au contraire du registre pathétique en voyant ses personnages emprisonnés dans leur défaut et incapables d’utiliser le langage comme médiateur pour apaiser les tensions et créer les réconciliations ?

 

A moins qu’il ne s’agisse d’une nouvelle façon d’envisager le registre tragique ? Le tragique, chez Sarraute, ne viendrait pas tant d’une damnation issue d’un Destin qui aurait programmé la mort chez un personnage… mais d’une damnation peut-être même encore plus cruelle : celle d’être jamais compris ou celle d’être à vie emmuré dans sa solitude puisque rien, ni même le langage, nous assure une réelle communication entre les gens ?

Cette hypothèse aurait d’autant plus de sens que, dans les dernières lignes de cet extrait, alors que H1 pensait défendre H2 en voulant le rallier à son clan (« Je n'ai pas dit ça. D'ailleurs, tu travailles... »/ « Si. Tu en gardes. Tu gardes des forces pour quoi ? »), H2 finira par trouver son attitude tellement insupportable qu’il préfèrera finalement se démarquer encore plus en le « bombardant d’attaques à travers des phrases interrogatives montrant sa colère et son indignation. (ex)

 

De toutes ces hypothèses, la plus intéressante pour moi, ce serait d’imaginer…. (mettez votre hypothèse pour personnaliser au mieux ce cours)

 

Pour conclure, nous avons donc vu un texte théâtral évoquant d’abord une fin en forme d’affrontement de personnes mais aussi d’idées. Dans un 2ème temps, nous nous sommes aussi aperçus que nos deux personnages semblaient de plus en plus ancrés dans deux mondes, deux univers… de plus en plus inconciliables, voire irréconciliables… offrant ainsi au lecteur/spectateur une multiplicité de registres et donc de mises en possibles (registre épique, comique, pathétique, tragique…). (Synthèse de axes) Cette diversité émotionnelle, plus que les limites du langage, suggère aussi une réflexion sur l’amitié et sur ce qui en fait réellement la teneur. Qu’est-ce que l’amitié ? Sur quels critères peut-on définir un tel sentiment ? Ces critères, sont-ils objectivables ou bien propres à chacun ? Dans la pièce comique et satirique Le voyage de monsieur Perrichon de Labiche, le spectateur est là encore confronté à un personnage ne supportant plus la personne qui lui a sauvé la vie.  Peut-on dire, pour la pièce de Sarraute, que H1 et H2 ne se comprennent plus parce qu’ils incarnent des valeurs sociales qui ont fini par trop s’opposer ? A moins qu’ils ne s’agissent de blessures mal cicatrisées et qui les isolent et les condamnent, quoi qu’ils se passent et quoi qu’ils disent, à la solitude ? Cette solitude, chez Sarraute, faut-il d’ailleurs la voir pour le meilleur et pour le pire… ou pour le meilleur et pour le rire ?(Ouverture)

TEXTE
Introdution
Explication linaire
Conclusion
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